« La boîte à livres de Savoillan est à l’ombre du lavoir municipal, récemment restauré. Souvent Jacques apporte lui-même un livre. Mais aujourd’hui, Jacques fait défiler les livres d’un index un peu distrait. La plupart étaient déjà là la dernière fois. En voici un nouveau, cependant : Un roi sans divertissement. Folio. Giono ! Que peut-il encore apprendre de Giono ? Les œuvres de Giono et les livres sur Giono, ensemble, occupent deux colonnes entières de sa bibliothèque. Son index pousse de droite à gauche Un roi comme les livres précédents, avec cependant une imperceptible caresse. Le livre suivant, lui aussi, est nouveau. Les Fleuves impassibles. Un beau titre. Jacques le sort du rang, parcourt la quatrième de couverture. Tiens, il y est question de la Guyane. Le cœur de Jacques accélère. C’est une sorte de thriller apparemment, autour du site de Kourou. Jacques a travaillé là-bas, au Centre spatial, il y a longtemps. Ce livre ne lui dit rien. Editions de la Chalaide. Encore moins. Jacques le feuillette. C’est plutôt convenablement écrit, à première vue...
Habitué ici, dans les Baronnies, à une beauté sereine, azuréenne, apollonienne, il a relégué le souvenir trouble de la Guyane au fond de sa mémoire. La Guyane fut pour lui l’inverse de la Provence. Aussi moite que la Provence est sèche, aussi sonore que les sommets des Baronnies sont silencieux, aussi barbare que les paysages d’ici sont romains, aussi farouche que… mais là, il faudrait mettre en balance le Ventoux ; c’est une montagne farouche, violente même, autant que pouvait l’être, dans ses pluies torrentielles, son immensité affolante, ses serpents, la forêt équatoriale… Le fait est qu’il s’est successivement attaché aux deux avec une égale intensité. »
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