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Carnets du Ventoux n°119 - 1er semestre 2024
96 pages proposées à nos lecteurs,
peintres, écrivains, photographes, illustrateurs et poètes
nous font partager leur attachement à la montagne...
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Bernard Mondon : directeur de la publication
 
La traduction de l'article en provençal ci-dessous
 

24 x 21 cm, 120 pages.

Prix public : 15 euros

 

En vente à Vaison-la-Romaine, Bédoin, Caromb, Mormoiron, Flassan, Villes-sur-Auzon, Mazan, Beaume-de-Venise, Vacqueyras, Sarrians, Sault, Nyons, Malaucène, Buis-les-Baronnies, Pernes-les-Fontaines, Carpentras, Le Barroux, Montbrun-les-Bains, Mollans.

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Qui sommes-nous ?

LES CARNETS DU VENTOUX

Une revue associative trimestrielle.

 

Cette revue, créée en 1986, s’inscrit dans un territoire,

dominé par le Ventoux, situé, d’un côté, entre les Dentelles

de Montmirail et la montagne de Lure et, de l’autre,

entre les collines des Baronnies et les hauteurs des monts de Vaucluse.

 

Son objectif est de mieux faire connaître cette montagne emblématique et les villages qui l’entourent, de contribuer à la mise en valeur de leur patrimoine naturel, culturel et humain, d’évoquer leur histoire, de rendre compte de leur vie d’aujourd’hui et de participer à la réflexion sur leur avenir.

 

Le comité de rédaction est composé d’une douzaine de rédacteurs permanents secondés de rédacteurs occasionnels, tous bénévoles.

 

Chaque numéro de 120 pages comprend un dossier thématique, un reportage sur un village, le portfolio d'un artiste et diverses autres rubriques sur la faune, la flore, l’histoire, une randonnée…

 

Publiée par les éditions Esprit des Lieux à Saint-Léger-du-Ventoux, la revue est rédigée, mise en page et imprimée sur le territoire du Ventoux.

 

L’association Les Carnets du Ventoux est membre consultatif du comité syndical du Parc naturel régional du Mont-Ventoux.

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La traduction en français de l'article en provençal

TRADUCTION DE L'ARTICLE EN PROVENÇAL DU CARNET DU VENTOUX 119

 

Dins uno Franço de 1914 à douminanto agricolo e ruralo que sis ome s'èron enana à la guerro, 850 000 femo se retrobon capo d'esplecho e van s'encarga dóu travai di champ dóu tèms que tènon soun role de maire e de femo soustenènt soun ome-sóudard e abalissènt souleto sis enfant.

Es aquelo tempourado doulourouso mounte aquéli femo van moustra un courage remirable qu'avèn chausi d'evouca à travès l'eisèmple d'uno di femo d'aqui, prouvençalo, aguént viscu dins un de nòsti vilajoun venturés.

 

Une grand-mère d’autrefois

Claude Vallet

 

Née à la fin du dix-neuvième siècle dans un de nos villages du Ventoux, elle décéda dans les années soixante et je veux évoquer sa mémoire car elle fut le type de la femme paysanne comtadine de cette période comme nous en avons tous connues.

Elle fut scolarisée à l'école de filles alors dirigée par les sœurs et elle y reçut une formation chrétienne qui la marqua toute sa vie de piété et de soumission mais aussi une formation de couturière qui l'aida à vivre un peu quand elle fut veuve. Elle habitait  en campagne. Elle se maria jeune avec un petit fermier et bien vite mit au monde une fille et un garçon.

Elle parla presque toute sa vie le provençal, sa langue maternelle dont on lui avait fait croire que ce n'était pas une langue mais un patois dont il fallait avoir honte, et pour cette raison elle employait aussi le français surtout avec ses enfants et ses petites-filles.

 

Elle perdit son mari à la Grande Guerre. Il était alors soldat d'infanterie à Malancourt dans la Meuse. Il fut haché dans les tranchées, son corps ne fut jamais retrouvé et il fut probablement enseveli dans un ossuaire de l'endroit. Son nom est inscrit sur le monument aux morts du village.

 

Cette petite femme ne se plaignit jamais, ne se laissa pas écraser par le malheur et prit la relève de son mari pour mener les terres.

Jusqu'à un âge mûr, elle pouvait harnacher et atteler le brave mulet de la maison - elle aura plus tard une âne têtu et folâtre - et cultiver ses quelques  héminées de poiriers, de cerisiers, d'oliviers, de blé et de sainfoin ainsi qu'un petit jardin potager. Elle élevait tous les ans un porc, saigné par le boucher de l'endroit, qui, plusieurs fois lui fut dérobé, souvent par des bohémiens qui savaient qu'elle vivait seule. Pour engraisser la bête, elle allait chercher des glands dans les collines voisines. Elle avait aussi deux ou trois chèvres et nourrit ses enfants exclusivement avec leur lait ; de plus elle préparait un délicieux fromage.

Elle élevait aussi quelques poules, quelques lapins et hormis le pain qu'elle achetait chez le boulanger du village, ainsi qu'un pot-au-feu hebdomadaire, elle vivait  quasiment en autosuffisance.

 

Ses seuls revenus étaient sa pension de veuve de guerre et ses modestes gains de couturière, mais sans faire d'excès, elle sut économiser, ce qui fit les affaires de ses héritiers qui trouvèrent dans une petite boîte de fer sous son lit tout son argent qu'elle n'alla jamais déposer à la banque car c'était trop risqué !

 

Comme elle était très belle, avec ses grands yeux noirs pétillants, son fin minois avenant, sa taille mince, sa distinction remarquable et qu'en plus elle possédait un peu de bien, elle fut souvent demandée en mariage par de riches paysans de l'endroit, mais elle ne se remaria jamais comme il était de coutume à l'époque.

 

Toujours vêtue d'une longue et stricte robe noire qu'elle ne quitta jamais jusqu' à sa mort, autant en signe de deuil que  d'humilité, malgré sa tâche accablante, elle ne manquait jamais d'aller à la messe, aux vêpres, aux pèlerinages locaux, surtout celui de Saint Roch qu'elle faisait à pied.

Quand elle avait accueilli chez elle une de ses petites-filles, pendant des années, elle lui faisait dire ses prières avant de se coucher alors que de son côté, elle égrenait son chapelet.

 

Elle ne lisait jamais que quelques revues paroissiales en français, mais été comme hiver, à la tombée de la nuit, elle pouvait rester un petit moment sans lumière autre que le feu de la cheminée, presque dans l'obscurité, immobile, pensive, lasse. Après avoir avalé sa soupe de légumes, elle cousait encore tard pour les gens.

 

Elle n'avait jamais vu la mer ni n'était montée au sommet du Ventoux, mais elle se rendait de temps en temps à Carpentras dans la jardinière de sa sœur aînée afin d'acheter du tissu et des objets de mercerie pour ses clientes.

 

Au début, « la grange »  était modeste et elle fut un peu modernisée à partir des années cinquante : elle comprenait une cuisine aux carreaux de terre cuite rouge, des « malons », deux petites fenêtres, des meubles en noyer, un buffet pour la poterie et les couverts, une armoire, un petit placard creusé dans le mur pour la nourriture de la semaine, en contrebas une cave à vin, à conserves et à charcuterie et en haut d'un escalier de bois, un fenil pour nourrir les bêtes au-dessous.

La cheminée brûlait toujours avec sa lourde crémaillère et sa marmite culottée, et servait autant pour se chauffer que pour cuisiner ou s'éclairer.

Longtemps, il n'y eut point d'électricité.

 

Elle ne pouvait pas aller chercher l'eau à la fontaine principale du village, qui, alors, coulait en abondance, car elle en était trop éloignée, il n'y avait pas l'eau « à la pile » (l'eau de la ville n'est arrivée que vers la moitié du siècle) et elle la tirait d'un puits profond, pour la famille et pour abreuver les bêtes dans l'étable attenante.

 

Elle s'éteignit un jour d'hiver, sans bruit, digne comme elle avait vécu toute sa vie.

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